3 mai 2010
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10:25
Dans une lettre à un ami Spinoza écrivait que la beauté est moins une qualité de l'objet que son effet sur celui qui l'observe. On ne
pouvait mieux dire que la notion de beauté est éminemment subjective comme le proclame le dicton populaire : "des goûts et des couleurs, on ne discute pas".
En 1917 le peintre Marcel Duchamp décrète qu'une oeuvre est une oeuvre d'art à partir du moment où elle est reçue dans un musée, et pour le
démontrer il envoie à une exposition, sous un pseudonyme, l'objet manufacturé le plus trivial qui soit, que l'on
désigne sous le nom de Fontaine de Duchamp, un aimable euphémisme pour un vulgaire urinoir ! L'objet est naturellement refusé mais cela déclenche néanmoins une polémique virulente : pour les uns
c'est de la fumisterie, pour les autres c'est une oeuvre d'art, car l'objet est dépouillé de sa valeur d'usage. Dépouillé de valeur d'usage peut-être, mais pas de valeur marchande, puisque des
répliques atteignent des sommes astronomiques... En tout cas Duchamp a réussi son coup (un coup de maître ?) et brouillé magistralement les
cartes, car si l'objet original a disparu les répliques fleurissent, dont certaines sont exposées dans les musées les plus respectables. L'une d'elles a reçu les honneurs du Centre Pompidou !
Duchamp n'aurait sans doute pas connu une renommée aussi éclatante s'il n'avait pas réalisé son canular et reconnaissons qu'il a réussi au-delà de ses espérances.
Quoi qu'il en soit on peut considérer l'affaire sous un jour amusant et bon enfant, le coup de pied de l'âne dans la pétaudière
artistico-médiatique, un rappel plutôt salutaire de la relativité des jugements en la matière. Mais que dire de ces musées où on accepte d'exposer le produit de la défécation d'un soi-disant
artiste dans l'encoignure d'une salle d'exposition et de l'intituler oeuvre d'art ? Une oeuvre d'art, mon cul ! dirait Zazie. Et pour une fois l'expression est appropriée ! Mais si,
visitant l'exposition, vous exprimiez votre jugement haut et fort en disant : c'est de la merde ! je ne suis pas sûr qu'on ne vous considérerait pas comme un perturbateur énonçant des propos
inconvenants et sacrilèges ! A ce compte là moi aussi je peux être un grand artiste et je peux même, pour le même prix, pisser à la raie du conservateur !
Mais trève de propos scatologiques. Il existe un consensus universel pour reconnaître à certaines oeuvres le statut de chef-d'oeuvre.
Personne ne contestera que la Joconde est une oeuvre majeure et unanimement admirée. Pourtant si vous ameniez devant cette toile quelqu'un qui n'en n'aurait jamais entendu parler, complètement
ignare et inculte en matière d'art, je ne suis pas sûr qu'il tomberait béat d'admiration devant ce tableau. il acquiescerait sans doute si vous lui disiez qu'il est devant un chef-d'oeuvre mais
éprouverait-il une émotion particulière et ne préférerait-il pas encore l'affreux chromo qui orne les murs de son salon ? C'est que l'art nécessite une initiation, toute une éducation, et il faut
bien le dire, une part de conditionnement social.
brisson
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dans
Réflexions
7 avril 2010
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11:24
A l'occasion de l'anniversaire de son père ma petite-fille lui a remis un mot dans lequel elle écrivait : "C'est dur d'avoir 39
ans". Je m'interroge sur la signification de cette phrase insolite et énigmatique, puisque l'intéressée n'a livré aucun commentaire qui pourrait éclairer
notre lanterne. Quel sens faut-il lui attribuer ? Ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants?
Notons tout d'abord qu'il s'agit d'une affirmation catégorique - "c'est dur..." - et non d'une supposition comme "ce doit être
dur..." Il s'agit d'un constat sans appel. C'est la proclamation d'une vérité dont l'évidence dispense de toute explication de la part de celle qui l'énonce, un véritable axiome. Il faut donc
prendre cette phrase à la lettre. Mais pourquoi est-ce si dur ? Qu'est-ce qui rend aussi pénible le fait d'avoir 39 ans ? Ce n'est pourtant pas en soi une catastrophe,
à Dieu ne plaise ! Essayons donc d'élucider ce mystère.
Les enfants n'ont pas la même perception du temps, et spécialement de la durée, que les adultes. Ils trouvent le temps long,
interminable. Une année pour eux est une éternité et atteindre l'âge de 39 ans ne peut être qu'une longue marche dont ils n'aperçoivent pas le bout et qu'ils n'imaginent pas pouvoir effectuer
eux-mêmes. C'est si loin et inaccessible que cela leur semble hors de leur portée. Je me souviens qu'à l'âge de 10 ans mes parents ont décidé d'un voyage à Paris forcément prévu quelques
mois à l'avance. Cette période d'attente me paraissait si immense que je désespérais de parvenir au jour du départ. Je mourrai sûrement avant ! Une attente qui s'éternise ne peut être
qu'insupportable, surtout si on se rappelle que les enfants acceptent mal la frustration et n'ont de cesse que leurs désirs se réalisent instantanément.
Cette explication ne me satisfait pourtant pas pleinement car la formulation aurait pris un autre tour, du genre "c'est dur d'arriver
à 39 ans". Et puis le ton de la lettre était trop sérieux, mélancolique même, j'y percevais comme un sentiment de regret et d'impuissance devant le fait accompli. Pour un enfant on est vite
catalogué comme vieux et les vieux ont une fâcheuse propension à disparaître...Etre "vieux" de 39 ans n'avait donc rien d'enviable !
Je formule néanmoins une autre hypothèse qui me semble pour le moins plausible. N'était-ce pas là l'expression de la prise de conscience
d'un père vieillissant inexorablement ? Ce qui était "dur" n'était pas tant d'avoir 39 ans, mais d'être une petite fille dont le père vieillissait au fil des
anniversaires. Ce n'était peut-être pas tant sur le sort de son père qu'elle s'apitoyait que sur le sien propre ? "C'est dur pour moi d'avoir un vieux père de 39 ans" !
C'est dur en effet de voir ses parents vieillir...
Je risque cette interprétation tout en sachant pertinemment que toute interprétation n'épuise pas son sujet, qu'elle est toujours
parcellaire, incertaine et contestable et qu'elle n'exclut pas complètement les deux autres hypothèses, les trois n'étant pas incompatibles.
A moins que la vérité ne se situe encore ailleurs...
brisson
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dans
Réflexions
14 mars 2010
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15:47
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Jean Ferrat est mort hier. Après Brel, Brassens, Ferré, Lemarque ...
C'est tout un pan de ma jeunesse qui disparaît. "Nul ne guérit de son enfance", nul ne guérit de sa jeunesse...
Mais ce sont aussi certaines de mes idées et certains de mes rêves qui s'en sont allés depuis longtemps, la gauche, le socialisme, le communisme...
Renvoyer dos à dos la jungle et le zoo ? pourtant nombre de ceux qui se sont évadés du zoo n'ont pas été tentés d'y revenir...
Il faudrait trouver autre chose, mais quoi ? Le temps des utopies est révolu et il faut bien assumer le présent sans toujours le cautionner. Méfions- nous des idéologies, l'enfer est pavé de bonnes
intentions et d'idées généreuses qui ont ensanglantées le monde.
" Que sont mes amis devenus que j'avais de si près tenus...", que sont mes années devenues ? Que sont mes rêves devenus ?
Combien de deuils pour faire une vie ?
brisson
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Réflexions
13 février 2010
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Les visiteurs des cimetières vont-ils prendre date avec leurs futurs commensaux ?
brisson
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dans
Réflexions
1 février 2010
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11:45
Les anges, paraît-il, sont asexués.
Si Dieu les a créés ainsi c'est sans doute qu'il voulait avoir la paix au paradis !
brisson
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Réflexions
28 janvier 2010
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15:41
La réponse à la devinette est :
Appareiller un bruit sourd !
Chacun sait ce que signifie un bruit sourd; c'est un bruit peu sonore, assourdi. Mais l'expression prise au sens littéral - comme
dans la devinette - est paradoxale car si elle signifie, au-delà de son absurdité, un bruit qui n'entend pas (et qui par conséquent ne s'entend pas lui-même), elle nie aussi d'une certaine façon le
caractère sonore du bruit.
Cela renvoie à la comparaison classique de l'oeil qui ne se voit pas lui-même. Pourtant l'image qui m'est venue spontanément à l'esprit est celle du visage. En société le seul
visage qui vous reste invisible est le vôtre et seul un artifice vous permet de le voir (mais on ne se promène pas habituellement avec un miroir en poche !). Ce visage nous est pourtant assez
familier et nous le contemplons au moins une fois par jour dans la salle de bain, même si notre psyché reflète rarement l'image d'un Président de la république ! Malgré tout mon image
photographique me paraît étrangère et ce qui me déconcerte le plus c'est la vue de mon profil quand je parviens à le capter par un jeu de miroirs.
Ce que je remarque aussi est ma difficulté à sourire quand on me photographie. Contrairement au chat du Cheshire d'Alice au pays des
merveilles dont le sourire était si tenace qu'il continuait de flotter dans l'air après sa disparition, le sourire a du mal à s'accrocher à mon visage... Qu'est-ce que je réprime en
réprimant ce sourire ? A moins que je ne sois un apraxique du sourire ! Dommage que le latin et le grec ne fassent pas partie de mon bagage linguistique car j'aurais pu forger un mot savant qui en
jetterait !
Beaucoup de bruit pour rien me direz-vous... J'en reste donc là.
brisson
-
dans
Réflexions