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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 16:02

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J’avais entrepris d’écrire une nouvelle sur Dieu, personnage digne d’intérêt s’il en fût, et de plus de tout repos, car on peut lui faire dire ce que l’on veut sans s’attirer le moindre démenti. J’étais très satisfait de ma première phrase :
Ce matin là Dieu s’éveilla de fort mauvaise humeur.
Elle sonnait bien et me paraissait de bonne tenue stylistique. Mais ce péché d’orgueil littéraire entraina ma perte comme la suite des événements le montrera. Pour mon malheur, à l’instant où j’allais mettre la main à ma deuxième phrase, un vieil ami, théologien de profession, le Père Honnais, frappa à ma porte. A peine l’eus-je salué que je lui montrai l’entrée en matière de mon ouvrage. Il s’écria aussitôt :
- Vous n’y pensez pas, mon ami, Dieu n’a  ni bonne, ni mauvaise humeur. Il jouit d’une parfaite sérénité et garde en toute occasion un calme olympien !
J’osais une timide objection :
- Mais mon Père, la bible ne fait-elle pas état dans maints passages de terribles colères du Tout Puissant ?
- Bien sûr mais il s’agit d’allégories pour frapper les esprits grossiers de ces temps là et les empêcher, par la peur qu’elles leurs inspirent, de commettre des péchés. Mais en réalité Il punit les méchants sans manifester le moindre ressentiment et sans colère.
Je me rendis à ces raisons, je rayai les mots litigieux et j’écrivis :
Ce matin là Dieu s’éveilla.
Mais ma phrase, outre qu’elle était amputée de sa substance, n’avait plus l’emphase  et l’élégance de la première mouture. Je décidai de l’étoffer :
Ce matin là Dieu s’éveilla du pied gauche.
Bien qu’elle ne me satisfît pas pleinement, cette tournure un peu triviale suggérait, sans le dire ouvertement, que Dieu était contrarié. Je pensais, à tort, avoir contenté mon contradicteur qui m’infligea un démenti immédiat :
- Vous ne pouvez pas écrire cela. Dieu est un être incorporel et lui attribuer des pieds est aussi ridicule que sacrilège.
Je me hâtai de faire marche arrière et ravalant mon mécontentement je supprimai les pieds à contrecœur.
Ce matin là Dieu s’éveilla.
Cette fois-ci le bon Père ne trouverait rien à redire. Erreur fatale. Il me reprit encore :
- Vous êtes décidément incorrigible. Dieu est éternel, ce qui veut dire qu’il est hors du temps. Pour lui il n’y a ni matin, ni soir et écrire ce matin là n’a pas de sens.
D’un trait de plume rageur je supprimai ce lambeau de phrase et, mettant un point final à ma nouvelle, calligraphiai laborieusement :
     
Dieu 
 
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